J'ai été très surpris par votre article
sur le MRAP et l'islamophobie, car j'attendais d'un quotidien de référence
qu'il sache aller au-delà des critiques de certains pour aborder le
fond des problèmes.
Le racisme est la discrimination, la
haine de personnes à cause de leur appartenance ou non appartenance à
une "race", une ethnie, une religion, une culture, une nation.
La définition légale des
discriminations raciales condamnées par la loi est pratiquement la même
que celle de ce que combat le MRAP. Les discriminations, appels à la
haine, fondées sur la religion sont aussi condamnables que celles fondées
sur la couleur de la peau, etc..
La plus connue des discriminations fondées
sur la religion est l'antisémitisme. Comme le MRAP lutte contre le
racisme sous toutes ses formes, il était logique qu'il lutte aussi
contre le racisme dont sont victimes les musulmans. Ce racisme existe,
il suffit de lire et d'écouter notamment Philippe de Villiers pour s'en
convaincre. Le terme islamophobie a été créé pour définir cette
forme de racisme, comme le terme antisémitisme créé (par les racistes
d'ailleurs) pour désigner le racisme anti-juif. Si certains préfèrent
parler de racisme anti-musulman plutôt que d'islamophobie, c'est
accessoire, l'essentiel est de ne pas nier le phénomène, au delà des
querelles sémantiques.
Quand le dernier rapport de la CNCDDH
constate, sondage CSA à l'appui que les Français estiment à 63 %
que les musulmans forment un groupe à part dans la société (35 %
pensent la même chose des juifs, et 84 % des tsiganes!! ), que 85 %
pensent que les juifs sont des Français comme les autres (les 15 % qui
pensent autrement sont encore 15 % de trop) mais seulement 66 % pour les
musulmans (donc 34 % qui pensent que ce ne sont pas des Français comme
les autres), comment peut-on nier qu'il existe un racisme anti-musulman
?? Comment peut-on nier qu'il est au moins aussi important que l'antisémitisme
??
Celles et ceux qui critiquent la notion
d'islamophobie au nom du principe d'universalité devraient aussi, au
nom de ce même principe, critiquer les notions d'antisémitisme, de
racisme anti-noir ou anti-gitan, etc..
Devrait-on, au nom de ce même principe
d'universalité ne pas critiquer le racisme anti-chrétien du BJP en
Inde ? Doit-on se contenter de critiquer un racisme théorique et
refuser d'en critiquer des formes précises ? Doit-on mettre des limites
à l'antiracisme dès lors que les victimes du racisme le sont à cause
de leur religion d'origine, quelles que soient pas ailleurs leurs
pratiques et leurs convictions ? Dans ce cas, il ne faudrait plus
lutter contre l'antisémitisme, car il n'y a pas plus de race juive
qu'il n'y a de race musulmane.
Libre à chacun par ailleurs de critiquer
ou de défendre une religion, de les critiquer toutes si ça lui plait.
C'est un autre problème et ça ne concerne pas le MRAP. La MRAP doit
par contre être vigilant et condamner tous ceux pour qui la critique
d'une religion sert d'alibi au racisme. Il y a un siècle, les antisémites
théorisaient sur le Talmud pour justifier leur racisme, nous devons
donc avoir la même vigilance à l'égard de ceux qui théorisent sur le
Coran dans le même but.
Le MRAP est un mouvement laïque, c'est-à-dire
indépendant des religions, attaché à la laïcité de la République
et de son enseignement. La laïcité c'est l'indépendance vis-à- vis
des religions, ce ne doit pas être la religion de ceux qui n'en ont
pas. Personne au MRAP n'a le monopole de la laïcité et les procès
d'intention ne sont pas de mise. Les militants croyants ou non, de toute
croyance ou toute incroyance doivent être respectés.
C'est à l'honneur de militants du MRAP
d'avoir accueilli des victimes du terrorisme en Algérie. Mais ils ne
doivent pas oublier que les généraux algériens ne sont pas tous des
anges et qu'il n'ont pas aboli le très réactionnaire code de la
famille.
C'est vrai que l'UOIF est une
organisation conservatrice, voire réactionnaire, mais quand elle
accepte de défiler avec d'autres contre tous les racismes et l'homophobie,
pourquoi l'exclure ??
D'autres critiques des positions de
Mouloud Aounit sont aussi tendancieuses : la demande libération de
Papon était une erreur, il s'en est excusé, mais la même demande
avait été faite par Robert Badinter au nom du même principe "pas
de vieillards en prison" et personne ne lui a fait de procès
d'intention.
Le MRAP n'a jamais dit que les élèves
voilées avaient raison de se voiler, il a simplement estimé que les
exclure de l'école laïque était contre-productif et contraire à la
recherche de l'intégration républicaine. Certains partisans de
l'exclusion au nom des valeurs laïques proposent maintenant de les
scolariser dans des établissements privés ad hoc, subventionnés bien
sûr !! Pas très cohérent pour des militants laïques !!
Le MRAP n'a pas protesté contre
"les" caricatures danoises, mais contre une seule, jugée
raciste (Mahomet avec le turban-bombe) car elle propage d'idée "villieriste"
que tous les musulmans sont des terroristes. Il faut que cela soit dit.
Le MRAP n'a jamais relativisé l'antisémitisme
quand il est le fait de gens par ailleurs victimes d'autres formes
de racisme. Il a simplement refusé toute généralisation et toute
stigmatisation. Que dit-on de ceux qui sous prétexte de lutter contre
d'autres formes de délinquance, passent leur temps à dénoncer les
membres de tel ou tel groupe ? Que ce sont des racistes !! Le MRAP ne
veut donc pas tomber dans le travers de ceux qui passent très
rapidement de la dénonciation de l'antisémitisme dans les banlieues à
celles de leurs habitants.
Les accusations de complaisance envers
l'antisémitisme sont donc diffamatoires.
J'aurais aimé lire dans le Monde une véritable
étude de fond plutôt qu'une version papier d'un talk-show, avec récolement
(d'ailleurs non équilibré) des opinions des uns et des autres.