Après le RER D

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Racisme et antiracisme virtuels et réels.

La pitoyable affaire de la soi-disant agression antisémite du RER D doit nous amener à réfléchir sur plusieurs points. Passons sur l’emballement médiatique à partir d’une plainte non vérifiée. Ce n’est pas la première fois que cela arrive, en France (Outreau, la soi-disant agression d’une policière dans le RER C en 1996, etc.) ou à l’étranger (Timisoara, les armes de destructions massives..). A chaque fois les journalistes promettent de ne plus se faire avoir, et la fois suivante, la crainte de louper le scoop est la plus forte…

Mais il n’est pas normal que les plus hautes autorités de la République aient cautionné elles aussi un tel dérapage et n’aient pas procédé avec le minimum de sérieux que l’on est en droit d’attendre des services de l’État. Elles ont cautionné le dérapage, quand elles ne l’ont pas créé et encouragé. C’était à la police, la justice de vérifier la réalité des faits avant de leur donner une publicité. Les communiqués officiels étant parus, les faits sont donc réputés confirmés, et chacun s’est cru autorisé à faire connaître sa réprobation… avant les démentis.. Le MRAP national lui aussi s’est fait avoir, mais au moins son communiqué de condamnation a évité les dérapages que l’on a vu pendant les deux phases de l’opération.

«1.  Ils sont coupables parce que… »

Tout d’abord, il n’est pas normal que « l’appartenance ethnique ou communautaire » des soi-disant agresseurs ait été copieusement étalée sur la place publique.

Toutes les organisations anti-racistes ont condamné à une époque la mention par la presse de « l’origine » des auteurs présumés d’infraction uniquement quand ils appartenaient à certains groupes. De fait, on ne mentionnait jamais que le présumé coupable était catholique ou d’origine berrichonne, mais on précisait bien quand il ne l’était pas..

Ce n’est donc pas normal que l’on ait mis l’accent sur la « race » des « agresseurs », comme si c’était une explication. Il est scandaleux que des organisations anti-racistes soient tombées dans ce piège. Les « jeunes des cités » étaient déjà accusés par Le Pen et les siens d’être tous des délinquants réels ou en puissance, ils sont maintenant accusés d’une forme de délinquance bien particulière : le racisme[1].

Il n’est pas normal que certains aient fait le lien avec la situation au Proche-Orient et les solidarités automatiques présumées de certaines catégories de Français en faveur de l’un ou l’autre camp.

Des spécialistes en psycho-socio-chose ont donné des explications très complexes à un comportement qui s’est révélé fictif.

On attend avec effroi leur production pour expliquer « logiquement » le prochain fait-divers horrible, vrai ou supposé, lié ou non au racisme, qui sera connu et médiatisé. On attend avec effroi les explications de comportements individuels par un atavisme ethnique ou religieux…

Il n’est pas normal que des responsables communautaires aient demandé aux dignitaires religieux d’une autre communauté de « porter la bonne parole ». Dans une république laïque, l’éducation de tous est l’affaire de tous.

« Ils ne sont pas coupables, mais ils auraient pu l’être »

Pris en flagrant délit d’imprudence et de précipitation, certains se sont excusés, ou défaussés sur les autres. Des journaux se sont étendus sur l’emballement de l’État, pas sur celui de la presse. Ce n’est pas très courageux, mais on voit pire :

En effet, cette agression virtuelle est proclamée emblématique de ce qui « se passe tous les jours », alors que l’émotion soulevée l’avait été parce que de tels faits ne s’étaient jamais produits.

Certes, cela aurait pu se produire, car les hommes, tous les hommes sont capables du pire comme du meilleur. Mais accuser une personne ou un groupe d’avoir été capable de le faire, parce qu’il est ce qu’il est, revient à accuser n’importe qui de n’importe quoi, car il paraît que « tout innocent est un coupable potentiel[2] ».

La lutte contre le racisme n’est plus la lutte contre des comportements réels, mais contre des archétypes, des concepts théoriques. Peu importe que les faits soient prouvés ou non, que les coupables soient les uns ou les autres, l’important, c’est de faire passer un message, qui n’est même plus celui de la lutte contre le racisme, mais la stigmatisation globale d’un groupe ethnique ou religieux.

Il y a quelques semaines, la profanation d’un cimetière juif en Alsace a donné l’occasion à des responsables communautaires de faire le lien avec le conflit Israël Palestine, alors que tout le contexte faisait référence aux nostalgiques d’Hitler, et que des cimetières musulmans étaient profanés dans les jours suivants.

Lutter contre tous les racismes réels.

La hausse inquiétante des actes antisémites recensés et avérés comme tels[3] ne doit pas nous faire oublier que d’autres personnes en France et dans le monde sont victimes du racisme.

Il y a toujours en France des agressions racistes contre les arabes, les noirs, les roms, etc. même si elles ne sont pas recensées avec autant de soin.

Il y a aussi une ségrégation à l’emploi, au logement, à l’accès aux loisirs…

Les anti-racistes ne doivent pas choisir leurs victimes. Il serait catastrophique que les organisations anti-racistes, qui luttent contre les discriminations, choisissent entre les victimes.

Les services du premier ministre ont sous-traité au CRIF [4] la lutte contre le racisme anti-juif. C’est à la fois contraire aux principes de la République et totalement contre-productif, puisque cela conduit à faire passer la lutte contre l’antisémitisme pour l’affaire des seuls juifs, etc. alors que tous les Français sont concernés par tous les racismes.

Pour être crédible, la lutte contre le racisme ne doit s’attaquer qu’aux comportements où il est possible de prouver le racisme ou la xénophobie. Tous les conflits du travail, de voisinage, entre administrés et administrations ne deviennent pas des conflits racistes du seul fait de la différence de « race » entre les protagonistes. Il ne faut pas oublier que le racisme est un délit, et qu’en accuser quelqu’un à tort s’appelle de la diffamation..

L’action du comité local.

Nos principes d’action sont les suivants :

S’assurer que les actes racistes sont avérés ou qu’il y a de fortes présomptions. Un plainte unilatérale ne suffit pas, il faut des éléments de preuve, des témoignages… S’il y a doute (par exemple, des accusations de racisme lors d’un licenciement jugé abusif) il ne faut pas hésiter à contacter l’autre partie pour connaître son point de vue.

En pratique, nous ne traiterons pas les cas où « c’est parole contre parole », parce que, outre les risques pénaux, les accusations erronées ou non prouvées décrédibiliseront la lutte contre le racisme.

Des gens nous contactent, qui sont certes victimes d’injustice, mais sans motivations racistes. Il est préférable qu’elles soient défendues par des spécialistes du droit du travail, etc..

Après ces précautions, il reste énormément à faire, sans possibilité de « faire du tapage médiatique » pour défendre une autre cause que celle de l’anti-racisme.

Exemples :

  1. Les A sont ce qu’on appelle un couple mixte (africain européenne). Ils sont victimes d’agressions racistes de la part de leur voisin, avec menaces de mort contre les enfants. Leurs plaintes sont restées sans suite, les gens auxquels ils se sont adressés ont enterré le dossier ou leur ont conseillé de déménager..
  2. Ils s’aiment et se sont mariés. Il est algérien, elle est française. Il est retourné voir ses parents en Algérie et le consulat de France lui refuse un visa de retour, prétendant que le mariage est blanc..
  3. Elle est d’origine turque, et travaille dans une très grande entreprise de services. Un des plus gros clients menace de ne plus recourir à l’entreprise tant qu’elle sera là. L’entreprise a donc commencé les démarches pour acculer son employée à la démission.

Cela se passe à Nancy en 2004, et il y a beaucoup d’autres cas que nous ne connaissons pas.

Il existe plusieurs façons de lutter contre le racisme. S’il y a parmi les lecteurs de ce bulletin des personnes qui se sentent motivées pour du travail sur dossier, l’étude des procédures judiciaires ou administratives, nous serions heureux de pouvoir compter sur elles.

[1] Il ne s’agit pas de faire de l’angélisme. Ces comportements inadmissibles existent partout et tous leurs auteurs doivent être condamnés, mais eux seuls. C’est faire du racisme que de penser qu’un groupe humain est intrinsèquement enclin ou exempt de racisme.

[2] Attribué à Joseph Staline !!!

[3] La prudence est nécessaire : le 4 juin, l’agression de l’élève d’un institut talmudique est dénoncée comme une agression raciste d’inspiration islamiste, avant que l’on apprenne que le même agresseur avait attaqué huit autres personnes d’origine arabe, haïtienne guinéenne ou portugaise !!

[4] Conseil représentatif des institutions juives de France.

Écrit le 15 juillet 2004

 

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