Plainte

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A Monsieur le Président de la République Française

Les associations soussignées :

 

Ayant pour avocat Maître Gilles Devers, du Barreau de Lyon, 22 rue Constantine, 69001, LYON, Palais n° 239, et ayant élu domicile en son cabinet pour les besoins de la présente procédure

Et

Maître Khalil Abu Shamallah (Arab Commission for Human Rights) Gaza,

Maître Khalid Soufiani (Arab Commission for Human Rights) Rabat,

Maître Abdel Rahman Beneumer ex Président de l’AMDH  ancien Bâtonnier de Rabat,

Maître Abdelrahim el Jamhi  le Bâtonnier de Rabat,

 

Ont l’honneur de vous demander, par application de l’article 8 du Traité de Rome du 17 juillet 1998 instaurant la Cour Pénale Internationale de la Haye, de bien vouloir saisir d’une plainte

 

-         d’une part le Conseil de Sécurité (articles 12 et 13 b) et l’Assemblée générale de l’ONU

 

à l’encontre de

 

M. Shimon PERES, Président de l’Etat d’Israël,

M. Ehud OLMERT, Premier Ministre et Ministre des Affaires sociales de l’Etat d’Israël

Mme Tzipi LIVNI, Premier Ministre suppléant et Ministre des Affaires étrangères de l’Etat d’Israël,

M. Ehud BARAK, Premier Ministre adjoint et Ministre de la Défense de l’Etat d’Israël,

 

-         d’autre part Monsieur le Procureur auprès de la Cour pénale internationale (article 14)

 

à l’encontre de 

 

toute autre personne que l’enquête établira,

 pour des faits de crimes de guerre commis sur la terre palestinienne de Gaza, à compter du 27 décembre 2008.

  PLAN

1. Les faits

 1.1. L’engagement par Israël d’une guerre « sans merci »

            1.1.1. La guerre du 27 décembre 2008

            1.1.2. Des témoignages concordants

1.2. Des faits confirmés par les institutions internationales

            1.2.1. Conseil des droits de l’homme, 9 janvier 2009

            1.2.2. Organisation mondiale de la santé, 8 janvier 2009

            1.2.3. UNICEF, 8 janvier 2009

            1.2.4. UNRWA, 8 janvier 2009

1.3. Des faits reconnus et condamnés par l’ONU

            1.3.1. Déclarations

                        1.3.1.1. Déclaration de M. Ban Ki-moon, 29 décembre 2008

                        1.3.1.2. Conférence de presse de M. John Holmes et de Mme Karen Koning                         AbuZayd

                        1.3.1.3. ONU, 6 janvier 2009

            1.3.2. Réunion du Conseil de sécurité du 31 décembre 2008

1.4. Déclarations des autorités françaises

 2. Le cadre juridique général

 2.1. Le devoir de protéger le peuple palestinien, sujet de droit international

            2.1.1. En droit

            2.1.2. En fait

2.2. Le crime d’agression

            2.2.1. En droit

            2.2.2. En fait

 3. Les griefs  

 3.1. En droit

            3.1.1.Les buts de la Cour Pénale Internationale

            3.1.2. La compétence de la Cour

                        3.1.2.1. Une compétence matérielle, en référence aux faits commis

                        3.1.2.2. Une définition des crimes de guerre

            3.1.3. Le caractère personnel des poursuites

            3.1.4. L’engagement des poursuites

                        3.1.4.1. Plainte du Conseil de sécurité (Article 12 et 13 b)

                        3.1.4.2. Plainte des Etats signataires du Traité (Article 14)

3.2. En fait

            3.2.1. Sur la recevabilité

            3.2.2. Sur le bien fondé de la plainte

                        3.2.2.1. Sur le cadre général

                        3.2.2.2. Sur la qualification des faits

            3.2.3. Sur l’urgence, liée à la flagrance du crime

            3.2.4. Sur l’opportunité

4. Pièces jointes

 1. Les faits

 1.1. L’engagement par Israël d’une guerre « sans merci »

 1.1.1. La guerre du 27 décembre 2008

 Le 27 décembre 2008, le gouvernement de l’Etat d’Israël a lancé une opération militaire à l’encontre du territoire de Gaza, sous gouvernement politique du mouvement le Hamas, légitimement élu.

 Le 29 décembre 2008, le Ministre israélien de la Défense, M. Ehoud Barak, a affirmé devant la Knesset, que l'Etat d’Israël s’était engagé dans une guerre « sans merci ».

 Baptisée « Plomb durci », cette opération s’est révélée d'une violence inédite depuis l'occupation des territoires palestiniens par Israël en 1967. Le gouvernement d’Israël a annoncé qu’après une première phase aérienne, viendrait une attaque terrestre. Les offres de cessez-le-feu ont été rejetées, et les ressortissants étrangers ont été évacués.

 Une semaine après le lancement de l'opération militaire, les autorités publiques de Gaza déploraient plus de 400 morts et plus de 2.000 blessés. Ce bilan s’alourdit de jour en jour. De nombreux civils, dont des enfants, figurent parmi les victimes. L’ONU a confirmé ces chiffres. Selon Christopher Gunness, porte-parole de l'Agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (Unrwa), au moins 25% des Palestiniens tués depuis le début de l'offensive militaire d'Israël sur le territoire de Gaza sont des civils. 

 De plus, les personnels administratifs du gouvernement et des ministères ne sauraient, au prétexte que le Hamas exerce le pouvoir, être assimilés à des combattants. C’est dire qu’en réalité, seule une minorité de combattants figure parmi les victimes.

 De fait, les 1,5 millions d’habitants vivent dans la terreur et se trouvent privés des besoins élémentaires qui assurent la vie, compte tenu du blocus qu’impose Israël.

 « Les conditions pour les parents et les enfants à Gaza sont dangereuses et effrayantes. Pour beaucoup de gens, c'est une situation de vie ou de mort », a affirmé dans un communiqué, Maxwell Gaylard, le porte-parole du Coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix au Proche-Orient (Unsco).

 Parmi tant d’autres exemples, la presse internationale a fait état de la mort des cinq filles de M. et Mme Anwar Baaloucha, à Jabaliya, tuées dans leur sommeil, la maison s’étant écroulée après une frappe de l’aviation israélienne sur une mosquée voisine. Les cinq jeunes filles étaient mineures :  Jawaher, 4 ans, Dina, 8 ans, Samar, 12 ans, Ikram, 14 ans et Tahrir, 17 ans.

1.1.2. Des témoignages concordants

La presse et les organisations humanitaires apportent maints témoignages :

- sur la disproportion manifeste entre cette offensive militaire et sa cause annoncée, à savoir les tirs de roquettes depuis le territoire palestinien de Gaza qui ont fait un mort en deux  ans ;

- sur les épreuves terribles auxquelles sont exposées les populations civiles, qu’il s’agisse de leur sécurité physique ou de la protection de leurs biens.

La presse souligne la violence de l’attaque israélienne et son absence de discernement.

·        Leïla Chahid

La déléguée générale palestinienne auprès de l'Union Européenne, Leïla Chahid, a accusé Israël de commettre un « crime de guerre » à Gaza et reproché à la communauté internationale d'avoir « laissé tomber la population palestinienne. »

Elle a ajouté : « Rien ne justifie le bombardement d'une population civile d'un million et demi de personnes qui vivent sur 356 km2, et dire qu'on est en train de bombarder les combattants du Hamas c'est du non-sens. On est en train de bombarder une population civile, qui est déjà assiégée depuis plusieurs mois (...) C'est un crime de guerre, fondamentalement. »

·        Stéphane Hessel

Stéphane Hessel s’est exprimé dans un interview à Swiss Info, le 5 janvier 2009

Stéphane Hessel : En réalité, le mot qui s'applique - qui devrait s'appliquer - est celui de crime de guerre et même de crime contre l'humanité. Mais il faut prononcer ce mot avec précaution, surtout lorsqu'on est à Genève, le lieu où siège un haut commissaire pour les Droits de l'Homme, qui peut avoir là-dessus une opinion importante.

Pour ma part, ayant été à Gaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des milliers d'enfants, la façon dont ils sont bombardés m'apparaît comme un véritable crime contre l'humanité.

Question : Ce terme, vous osez le prononcer ? C'est la disproportion qui vous choque, entre les roquettes palestiniennes et une offensive terrestre massive ?

Stéphane Hessel : C'est l'ensemble du comportement. C'est naturellement la disproportion, vous avez raison de le souligner...Une terre densément peuplée, la plus dense du monde probablement, sur laquelle on frappe avec des instruments militaires qui ne peuvent pas faire la différence entre les militaires et les civils. D'ailleurs il n'y a pas de militaires, il n'y a que des civils à Gaza - des militants peut-être, mais sûrement pas une armée.

Donc c'est une armée, l'une des plus puissantes du monde, qui s'attaque à une population qui n'a vraiment pas de défense. Ca, c'est typiquement un crime de guerre.

1.2. Des faits confirmés par les institutions internationales

 Les grandes institutions internationales ont confirmé la gravité des atteintes au droit humanitaire

 1.2.1. Conseil des droits de l’homme, 9 janvier 2009

 Devant le Conseil des droits de l'homme réuni vendredi en session extraordinaire à Genève sur la situation à Gaza, la Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a appelé à une enquête sur des violations des droits de l'homme dans le territoire palestinien occupé.

La Haut Commissaire aux droits de l'homme a souligné le principe de responsabilité pour les violations des droits de l'homme et suggéré que le Conseil envisage une mission d'évaluation des violations commises par les deux parties au conflit afin d'établir les faits et les responsabilités.

Navi Pillay a souligné que certaines des violations pourraient constituer des crimes de guerre impliquant la responsabilité personnelle de leurs auteurs.

Elle a aussi appelé à ce que les envoyés et experts du Conseil des droits de l'homme bénéficient d'un accès sans entraves aux territoires de Gaza et de Cisjordanie.

1.2.2. Organisation mondiale de la santé, 8 janvier 2009

 Les services de santé de Gaza, déjà fragilisés, sont au bord de l'effondrement si des mesures ne sont pas prises immédiatement pour les renforcer et les préserver, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Selon l'organisation, les fournitures médicales susceptibles de sauver des vies continuent de s'entasser aux frontières. Il n'y a pas assez de camions pour les transporter et leur distribution à Gaza est rendue difficile pour des raisons de sécurité et par manque d'infrastructures.

Par ailleurs, l'intensité des bombardements aériens et des hostilités sur le terrain limite considérablement les mouvements de patients et de services médicaux d'urgence et les transferts ainsi que les déplacements de personnels de santé essentiels au bon fonctionnement des services. L'évacuation médicale de certains blessés graves hors de Gaza est rendue impossible non seulement faute de sécurité mais également en raison de la fermeture de la frontière et des restrictions de mouvements.

Les hôpitaux sont surchargés. Ils n'ont pas assez de lits dans les services d'urgence et de soins intensifs et les salles d'opération ne peuvent pas faire face au nombre de victimes. Dans ces établissements, on signale des blessés couchés à même le sol, souligne le communiqué.

1.2.3. UNICEF, 8 janvier 2009

La directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Ann Veneman s'est déclarée profondément inquiète de la suspension jeudi des opérations humanitaires de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) à Gaza en raison de l'insécurité. « Cela ne peut qu'aggraver une situation humanitaire déjà critique et mettre encore plus en danger les enfants ».

« Les dommages physiques et psychologiques que ce conflit inflige aux enfants des deux côtés doivent cesser », a-t-elle ajouté. 8 janvier 2009 – L'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a suspendu jeudi ses activités humanitaires à Gaza après des tirs israéliens contre un convoi qui ont tué un de ses employés, des tirs condamnés par le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.

1.2.4. UNRWA, 8 janvier 2009

Le Secrétaire général condamne des tirs des forces de défense israéliennes contre un convoi humanitaire des Nations Unies à Gaza, ayant entraîné la mort d'un employé de l'UNRWA et blessé deux autres employés », selon une déclaration de la porte-parole du Secrétaire général, Michèle Montas. Dans un incident séparé, le chef mécanicien de l'UNRWA a été tué chez lui lundi. Depuis que le conflit a commencé il y a 13 jours, quatre employés locaux de l'UNRWA ont été tués.

L'UNRWA a du suspendre la distribution de nourriture, ne pouvant garantir la sécurité de ses employés, ce qui est inacceptable.

1.3. Des faits reconnus et condamnés par l’ONU

Cette reconnaissance et ces condamnations ressortent de plusieurs déclarations des hauts responsables de l’ONU et d’une réunion du Conseil de sécurité du 31 décembre 2008.

1.3.1. Déclarations

1.3.1.1. Déclaration de M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, le 29 décembre 2008 (SG/SM/12025).

 Le Secrétaire général de l’ONU manifestant son inquiétude  devant « l’ampleur de la violence et du bain de sang qui se produisent à Gaza » a déclaré que « tout en reconnaissant les soucis de sécurité d’Israël concernant les tirs continus de roquettes en provenance de Gaza » il réitérait  « fermement, l’obligation d’Israël de se conformer au droit humanitaire international et aux normes régissant les droits de l’homme », condamnant l’usage excessif de la force qui cause des morts et des blessés parmi les civils. 

 1.3.1.2. Conférence de presse de M. John Holmes, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence du système des Nations Unies et de Mme Karen Koning AbuZayd, Commissaire générale de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui intervenaient par liaison vidéo depuis Gaza, le 31 décembre 2008.

 M. John Holmes a indiqué qu’au 30 décembre le nombre de blessés palestiniens était compris dans une fourchette allant de 1 550 à 1 900 personnes et que, côté israélien, le bilan était de 4 tués et de 30 personnes blessées par des tirs de roquettes du Hamas. 

 À titre de comparaison, il a ensuite signalé qu’alors qu’en octobre 2008, 125 camions transportant des vivres et autres biens humanitaires entraient chaque jour dans Gaza, ce nombre est descendu à moins de 60 camions par jour depuis le coup de force israélien.

 Qualifiant cette opération militaire de « particulièrement létale et sanglante », il a indiqué que les hôpitaux de Gaza étaient submergés : « Ce qui complique la tâche du personnel hospitalier, ce sont les coupures d’électricité dues aux pénuries de carburant ».  John Holmes a expliqué que la centrale électrique de Gaza avait cessé de fonctionner. Cet arrêt plonge dans l’obscurité, pendant environ 16 heures par jour, quelques 650 000 Gazaouis, et entrave le fonctionnement des infrastructures publiques.

 Mme Karen Koning AbuZayd a notamment déclaré : « Si la faim n’est pas encore un phénomène largement répandu à travers le territoire, le fait est que les habitants de Gaza ne peuvent pas manger comme ils le devraient. »  Elle a également précisé que, pour la première fois depuis sa présence sur place, l’UNRWA avait demandé que soient livrées en grandes quantités des bougies, afin de pallier le manque d’électricité et d’alléger ainsi les souffrances psychologiques des habitants de Gaza.  À ce sujet, décrivant « un état de peur et de panique généralisé », elle a indiqué que les enfants subissaient, de manière cruelle, les effets néfastes du fracas des explosions et de l’incertitude, stressante, des frappes aériennes. 

 Mme Koning AbuZayd a admis qu’elle était dans l’incapacité de dire si les cinq mosquées détruites par Israël l’avaient été parce qu’elles auraient servi de caches d’armes au Hamas.  De même, elle s’est refusée à commenter la décision israélienne de maintenir fermés les principaux points de passage menant à Gaza, ou permettant d’en sortir, au motif que ces endroits seraient des cibles terroristes potentielles.

 1.3.1.3. ONU, 6 janvier 2009

 L'explosion d'obus de mortier israéliens tombés mardi sur une école de l'ONU près de camp de Jabaliya à Gaza a fait au moins 30 morts et 50 blessés, une attaque qui a été fermement condamnée par le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon.

« Trois obus de mortier sont tombés sur l'école de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui servait de refuge à des Palestiniens du camp de Jabaliya », a précisé mardi John Ging, responsable humanitaire de l'UNRWA, lors d'un point de presse vidéo depuis Gaza.

Une autre frappe de missile sur une école de Gaza-ville a aussi tué trois personnes. Enfin, mardi matin, l'attaque contre une maison dans le camp de Bureij a blessé dix personnes dans un centre de santé proche.

« Ces attaques par les forces militaires israéliennes qui mettent en danger les installations des Nations Unies servant de lieux de refuge sont totalement inacceptables et ne doivent pas se reproduire », a dit Ban Ki-moon dans une déclaration.

1.3.2. Réunion du Conseil de sécurité du 31 décembre 2008 (CS/9560)

 Le Conseil de sécurité s’est réuni le 31 décembre 2008.

 M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, a condamné les attaques du Hamas contre Israël, mais s’agissant de la riposte d’Israël, il a retenu l’expression « d’usage disproportionné de la force ».  

 S’agissant des populations civiles, M. Ban Ki-moon a décrit le peuple de Gaza comme « terrifié », expliquant que les frappes israéliennes « ont aussi touché des maisons, des mosquées et des magasins.  Plus de 300 personnes ont été tuées, dont au moins 60 femmes et enfants ».

 Cette attaque frappe une population fragilisée par le blocus. Le pipeline qui permet de ravitailler Gaza en carburant a été coupé. M. Ban Ki-moon a expliqué qu’il y a aussi « une pénurie de farine qui se traduit par la disparition progressive du pain » et que « la centrale électrique de Gaza est fermée chaque jour pendant près de 16 heures, du fait du manque de carburant. » 

 M. Riyad Mansour, Observateur permanent de la Palestine auprès des Nations Unies, a déclaré que « l’occupant israélien » agissait en violation du droit international, en persistant dans une agression brutale contre des centaines de sites à Gaza, et ce, malgré la déclaration du Conseil de Sécurité du 28 décembre.  Israël continue à faire fi de tous les appels au cessez-le-feu, a-t-il ajouté, accusant le Gouvernement israélien de fouler ainsi aux pieds toutes les valeurs humaines de paix et de solidarité.

 M. Giadalla A. EttalhiI (Jamahiriya arabe libyenne) a le coup de force israélien contre Gaza, qu’il a qualifié de « crime contre l’humanité », de « crime de génocide » et de « crime de guerre ».

 M. Dumisani S. Kumalo (Afrique du Sud) a affirmé que les frappes israéliennes sont une violation du droit humanitaire international.

 M. Marty Natalegawa (Indonésie) a dit qu’Israël devrait mettre fin immédiatement à ses attaques contre les populations civiles innocentes de Gaza, et respecter le droit humanitaire international. 

 M. Bui The Giang (Viet Nam) a déclaré que, tout en reconnaissant à Israël le droit de se défendre, le Viet Nam condamnait sa riposte disproportionnée qui a occasionné de nombreuses pertes civiles parmi la population de Gaza. 

 M. Jorge Urbina (Costa Rica) a estimé que l’usage disproportionné de la force dont fait montre Israël ne saurait être justifié, la légitime défense n’autorisant pas le recours à des représailles massives.  Il a également dit que devaient être respectées les dispositions du Statut de Rome visant à assurer la protection des populations et des biens civils, ce qui suppose que les belligérants fassent la différence entre civils et combattants.

 M. Maged A. Abdelaziz (Égypte) a soutenu que les tueries de civils et l’usage disproportionné de la force par Israël représentent des violations du droit international. Il exige une intervention du Conseil de Sécurité pour mettre fin à une telle situation. Il a demandé à ce qu’il soit mis fin à la politique de deux poids deux mesures qui règne au Conseil quand cette région est concernée. 

 M. Yahya Mahmasani, Observateur permanent de la Ligue des États arabes auprès des Nations Unies, a fustigé le comportement d’Israël, qui risque d’entrainer un redoublement de violence dans la région.

 M. Jean Maurice Ripert (France) et Mme Christine Detaille (Belgique) ont eux aussi retenu la notion de « riposte disproportionnée et sans égard pour les populations civiles. »

 1.4. Déclarations des autorités françaises

Dans un communiqué du 27 décembre 2008, vous avez, Monsieur le Président de la République, reconnu la disproportion de l’attaque tout en condamnant « fermement les provocations irresponsables qui ont conduit à cette situation ». Vous avez également déploré « les importantes pertes civiles » et exprimé vos « condoléances aux victimes innocentes et à leurs familles. »

Dans un communiqué du 27 décembre 2008, M. François Fillon, Premier ministre, a indiqué avoir « appris avec consternation le terrible bilan humain de la reprise des violences en Israël et dans la bande de Gaza », ajoutant que  « ses pensées vont aux familles et aux proches des victimes civiles. »

*   *   *

C’est dans ce contexte que les associations signataires vous demandent de déposer une plainte devant Monsieur le Procureur près la Cour Pénale Internationale de la Haye (Article 14), et de saisir le Conseil de Sécurité aux fins d’engagement de poursuites (Articles 12 et 13 b).

La flagrance des crimes justifie le dépôt de cette plainte en urgence. Il s’agit de constituer les preuves et d’identifier les coupables.

Les associations signataires sont particulièrement attachées au respect des droits fondamentaux, en tous points de la planète, et elles estiment que face à la violence, la Justice est la meilleure réponse. 

2. La cadre juridique

2.1. Le devoir de protéger le peuple palestinien, sujet de droit international

2.1.1. En droit

L’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu, dans la résolution n° 2535 du 10 décembre 1969, que le peuple palestinien est un sujet de droit international , ce qui est primordial car, dès lors, il aurait dû bénéficier du droit à l’autodétermination - résolution 2649 du 30 novembre 1970 - et des droits à la souveraineté et à l’indépendance nationale - résolution 3236 du 2 novembre 1974.

2.1.2. En fait

Cette dernière résolution fait obligation  à tous les Etats et organisations internationales d’aider le peuple palestinien dans sa lutte pour recouvrer ses droits, conformément à la Charte. C'est-à-dire qu’il est fondé en droit, dans la mesure où les moyens et les buts sont respectés, de manifester une pleine solidarité au combat mené par le peuple palestinien dont la finalité est la libération nationale.

L’une des illusions funestes que veut entretenir l’Etat d’Israël est d’affirmer qu’il fait la guerre « au Hamas ». La réalité est que c’est le peuple palestinien, auquel la commuté internationale doit protection, qui est victime des frappes.

2.2. Un acte d’agression

2.2.1. En droit

L’article 2§ 4 de la Charte des Nations Unies interdit de manière absolue, sauf exception, la menace de l’utilisation de la force armée ainsi que l’utilisation de la force armée. Cette interdiction est une garantie normative visant la paix et la sécurité internationales pour tous les Etats et les peuples. L’interdiction du recours à la force vise l’emploi de la force armée sous toutes ses formes : guerre, représailles ou toute autre forme d’utilisation des armes y compris lorsqu’elle prend la forme d’une agression. 

Le droit international ne prévoit, en effet, que deux cas de recours licite à la force armée :

a.       les mesures de coercition armées décidées par le Conseil de sécurité sur la base de l’article 42 de la Charte des Nations Unies en cas de menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d’un acte d’agression (chapitre VII de la charte).  

b.      la légitime défense sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Cet article reconnaît à tous les Etats le droit inhérent d’utiliser la force armée dans le cas où ils seraient l'objet d'une agression armée.

La lecture et l’interprétation de l’article 2§ 4 de la Charte des Nations Unies doit être faite à la lumière de l’obligation de régler par des moyens pacifiques les différends, tel que le dispose l’article 33. L’obligation de rechercher par tous les moyens un règlement pacifique des différends fait partie du droit coutumier et  est en relation étroite avec l’interdiction – d’une très large portée- de l’utilisation de la force dans les relations internationales.

2.2.2. En fait

L’interdiction l’utilisation de la force armée est une des plus grandes conquêtes de l’humanité depuis la deuxième guerre mondiale, et la condition de la paix. Or, Israël a décidé par son libre arbitre - dans le contexte d’un gouvernement démissionnaire et d’une campagne électorale opposant ses principaux ministres - de régler par les armes les rapports avec son peuple riverain.

Il s’agit de l’utilisation de la force armée de la part de l’Etat d’Israël contre le peuple palestinien maintenu enfermé dans la Bande de Gaza et sous embargo imposé par l’Etat israélien depuis 18 mois.  

Dans le cas des actes de guerre d’Israël, la notion de légitime défense n’est pas applicable. La rédaction de l’article 2§ 4 est sans ambigüité sur le contenu et la portée de l’interdiction de la menace et de l’utilisation de la force armée : « Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

Le rapprochement des expressions « dans leurs relations internationales » et « soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies » renforcent la règle de l’interdiction de la force pour lui donner le plus large champ d’application. Aussi, cette disposition interdit toute forme d’utilisation de la force armée.

En déclenchant une guerre massive et en attaquant de manière généralisée et à grande échelle l’ensemble du territoire de la Bande de Gaza, l’Etat israélien viole cette disposition fondamentale de la charte des Nations Unies.

Les autorités israéliennes - agissant en tant qu’organes de l’Etat en droit international – ont ordonné l’exécution d’opérations militaires d’envergure qui enfreignent les dispositions de la Charte des Nations Unies. Elles violent l’une des normes les plus fondamentales du droit international, mettant directement en danger la paix et la sécurité internationales.

Ces faits d’un particulière gravité s’inscrivent dans un contexte criminel connu : l’Etat d’Israël occupe le territoire palestinien en violation du droit international et des résolutions de l’ONU.

3. Les griefs

3.1. En droit

 3.1.1.Les buts de la Cour Pénale Internationale

 La Cour Pénale Internationale résulte des statuts adoptés par le Traité de Rome du 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002. La France a signé et ratifié le traité.

 Il n’est pas besoin de rappeler le rôle joué par la France dans la création de cette juridiction pénale internationale, qui concrétise l’un des buts de l’ONU.

 Le préambule du Traité expose les finalités de la juridiction, pour les Etats signataires : 

 « Conscients que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures forment un patrimoine commun, et soucieux du fait que cette mosaïque délicate puisse être brisée à tout moment,

 « Ayant à l’esprit qu’au cours de ce siècle, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont été victimes d’atrocités qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine,

 « Reconnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde,

 « Affirmant que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale,

 « Déterminés à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes,

 « Rappelant qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux… »

 Le Traité, en soulignant l’importance du respect des droits fondamentaux pendant les guerres, entend qu’aucun obstacle formel ne puisse faire obstacle au jugement des coupables, dès lors que les infractions sont constituées. Il rappelle qu’il en va du devoir des Etats.

 Les associations signataires soulignent l’alinéa :

 « Reconnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde »

 Il s’agit en effet autant de la mémoire des victimes que de refuser la spirale de la violence.

 3.1.2. La compétence de la Cour

 3.1.2.1. Une compétence matérielle, en référence aux faits commis

 Aux termes de l’article 1, la Cour Pénale Internationale exerce sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent Statut.

 L’article 8, qui fonde l’action de la Cour, prend pour référence les faits :

 « La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle. »

 Ayant affiché le but – l’absence d’impunité pour les criminels de guerre – le Traité recherche les culpabilités individuelles, et non celles des Etats, et définit la compétence par rapport aux faits, en non par rapport à la qualité des personnes. Notamment, le Traité a voulu que la compétence de Cour ne soit pas limitée au motif que les agissements criminels seraient le fait des ressortissants d’Etats non partie au Traité.

 La Cour a appliqué cette règle dans l’affaire du Darfour, engageant les poursuites sur plainte du Conseil de Sécurité contre le responsable d’un Etat qui n’est pas partie au Traité.

 3.1.2.2. Une définition des crimes de guerre

 L’article 8 du Statut précise la notion de « crime de guerre ».

 Il s’agit d’abord des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (article 147) à savoir « l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :

« i) L’homicide intentionnel ;

(…)

« iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé ;

« iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire. »

 Le statut apporte des précisions.

 Sont ainsi considérés comme crimes de guerre les autres « violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux » dans le cadre établi du droit international, à savoir ce que l’article 8 cite notamment :

 a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :

iv) La destruction (…), non justifiée par des nécessités militaires et exécutée sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire

b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l'un quelconque des actes ci-après :

i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités

ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c'est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires

iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil.

iv) Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct attendu.

v) Le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires ;

ix) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu'ils ne soient pas des objectifs militaires

xii) Le fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier

xxiv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève

xxv) Le fait d'affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l'envoi des secours prévus par les Conventions de Genève.

 Ces définitions sont explicitées par le règlement de la Cour intitulé « Eléments des crimes ».

 3.1.3. Le caractère personnel des poursuites

C’est l’article 25 qui pose le principe de la responsabilité pénale individuelle.

 Aux termes de l’alinéa 1, la Cour est compétente à l’égard des personnes physiques.

 L’alinéa 2 pose le principe décisif :

 « Quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable et peut être puni conformément au présent Statut. »

 C’est parce qu’il y a crime de guerre que la Cour peut être saisie. La qualité des auteurs n’est qu’une donnée secondaire, et l’identification de ces personnes est l’objet même de l’enquête. Le plaignant doit agir en fonction des faits. Retenir la solution inverse aurait conduit à nier les buts affichés du Traité, qui sont de combattre les crimes les plus graves car « ils menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde. »

 Le critère matériel étant rappelé, le Traité précise comment doit être appréciée la responsabilité personnelle, avec l’alinéa 3.

 « Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si :

a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou par l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement responsable ;

b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou tentative de commission de ce crime ;

c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ;

d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel crime par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le cas :

i) Viser à faciliter l’activité criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activité ou ce dessein comporte l’exécution d’un crime relevant de la compétence de la Cour ; ou

ii) Être faite en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre ce crime.

 3.1.4. L’engagement des poursuites

 3.1.4.1. Plainte du Conseil de sécurité (Article 12 et 13 b)

Le Conseil de sécurité peut saisir la Cour pénale internationale de crimes survenus sur le territoire d'un Etat non partie ou commis par les ressortissants d'un tel Etat. Cette faculté de saisine de la Cour par le Conseil de sécurité, à la suite de la plainte d’un Etat, est définie par les articles 12 et 13 b.

Le Conseil de sécurité peut saisir la Cour dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, c'est-à-dire « en cas de menaces contre la paix, de rupture de la paix et d'actes d'agression ».

Le but retenu par cette disposition est d’exclure tout risque d'impunité, dès lors que sont en cause des crimes de guerre. 

Cette disposition peut jouer à l’encontre des responsables politiques d’un Etat non signataire du Traité (Affaire du Darfour).

3.1.4.2. Plainte des Etats signataires du Traité (Article 14)

 Tout Etat partie peut saisir directement le procureur près la Cour pénale internationale.

 « 1. Tout État Partie peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le Procureur d’enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes.

« 2. L’État qui procède au renvoi indique autant que possible les circonstances pertinentes de l’affaire et produit les pièces à l’appui dont il dispose. »

 Le préambule crée une obligation pour les Etats, et l’article 14 précise la procédure. La dénonciation des faits est une obligation, alors que l’appréciation de l’opportunité relève de la Cour, et le cas échéant du Conseil de sécurité. C’est en fonction de ces éléments que le Procureur, au visa de l’article 53, évalue les renseignements portés à sa connaissance, et ouvre une enquête, à moins qu'il ne conclue qu'il n'y a pas de « base raisonnable » pour poursuivre en vertu du présent Statut. 

 Ces dispositions ont joué dans trois affaires : Ouganda, République Démocratique du Congo, et République Centrafricaine.

 3.2. En fait

 3.2.1. Sur la recevabilité

 L’Etat d’Israël a signé le Traité de Rome du 17 juillet 1998 mais ne l’a pas ratifié.

 Par application des articles 12 et 13 b, le Conseil de Sécurité est compétent pour saisir la Cour Pénale Internationale à l’encontre des dirigeants d’un Etat n’ayant pas ratifié le Traité, car il y a manifestement des menaces contre la paix et des actes d'agression au sens du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

 Par application de l’article 14, un Etat partie est recevable à porter plainte devant Monsieur le procureur près la Cour Pénale Internationale, sur la base de la connaissance de faits ayant les caractères d’un crime de guerre. La plainte n’étant pas dirigée contre des personnes dénommées, la saisine directe du procureur est recevable. Il est de la mission du procureur d’enquêter à partir des faits (Article 54).

 3.2.2. Sur le bien fondé de la plainte

 3.2.2.1. Sur le cadre général

 Ces éléments de fait et de droit constituent une « base raisonnable » au sens de l’article 53 du statut. 

 -         Monsieur le Secrétaire Général de l’ONU et nombre d’Etats, dont la France, ont d’ores et déjà reconnu le caractère disproportionné de l’attaque, qui a causé près de 400 morts en une semaine, ainsi que des destructions matérielles considérables qui ont atteint très directement les populations civiles. Ces dernières représentent environ un quart des victimes.

 -         Parmi les cibles se trouvent des combattants Hamas pour minorité et des membres administratifs du mouvement Hamas pour l’essentiel. Or comme cela a été dit, les personnels administratifs  du gouvernement et des ministères ne sauraient, au prétexte que le Hamas exerce le pouvoir, être assimilés à des combattants.

 

-         Cinq pays membres du Conseil de Sécurité, la Jamahiriya Arabe Libyenne, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, Viet Nam, le Costa Rica, l’Égypte ainsi que l’observateur permanent de la Ligue des États Arabes auprès des Nations Unies, ont expressément dénoncé la violation du droit international humanitaire.

 -         Les crimes définis par l’article 147 de la Convention de Genève et précisés par l’article 8 du Traité de Rome de 1998 le sont pour temps de guerre, de telle sorte qu’ils ne peuvent, en toute hypothèse, être justifiés par l’allégation de violences subies.

 -         Ces pertes nombreuses d’êtres humains et ces destructions massives, infligées à une population déjà fragilisée par un blocus imposé par Israël, sont sans proportion avec le but allégué d’instaurer l’ordre. Le but réel est la destruction de la société palestinienne, qui en soi, est un crime de guerre.

 -         Cette absence de but diplomatique est d’autant plus flagrante que l’Etat d’Israël est dans l’incapacité de prendre de telles décisions. En effet, son premier ministre est démissionnaire pour cause de corruption, et les forces politiques ont été dans l’incapacité de former une coalition. Cette guerre est un argument de campagne électorale.

 -         Le territoire de Gaza étant officiellement qualifiée de « territoire occupé » par Israël, cet Etat est dans l’obligation de respecter la 4° convention de Genève. Il s’agit de territoires occupés illégitimement, par les moyens d’une action militaire contraire à l’article 2.4 de la Charte des Nations Unies qui interdit le recours à la force dans les relations internationales, et à l’art. 1.2 qui affirme le droit des peuples. La guerre menée aujourd’hui prolonge l’agression  qu’est l’enfermement de la bande de Gaza depuis des mois, violant les bases du droit international et le droit humanitaire. 

 La France, qui a joué un rôle moteur dans la création de cette Cour Pénale Internationale, ne peut aujourd’hui renier son engagement, alors que des crimes de guerre d’une ampleur rare sont commis en pleine lumière. 

 Le dépôt de la plainte n’empêchera en rien la France de poursuivre les actions diplomatiques qui lui paraîtront adéquates, car aucune solution de paix durable ne peut inclure l’absolution de crimes de guerre.

3.2.2.2. Sur la qualification des faits

Dors et déjà, les faits les plus établis par les rapports ou déclarations de responsables de l’ONU, mais aussi par les ONG, la presse et les témoins, permettent de retenir plusieurs faits correspondant précisément aux qualifications prévues par l’article 8 du statut.

a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :

iv) La destruction (…), non justifiée par des nécessités militaires et exécutée sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire.

            Les destructions occasionnées par les attaques militaires israéliennes sur l'ensemble du             territoire de la Bande de Gaza sont causées par des opérations militaires menées, par             air, terre et a partir de la mer, à grande échelle. Ces attaques répétées ont détruit des             immeubles d'habitations, des maisons, des ateliers, des commerces, de très nombreux             véhicules, des             entrepôts, des cafés, des garages.

b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l'un quelconque des actes ci-après :

i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités.

            Parmi les victimes, des enfants, des femmes, des hommes. La grande majorité d'entre eux ne             sont pas des combattants, entre autres, un prêtre, un imam, un médecin, une             infirmière et un avocat….La plupart des corps ont été retrouvés totalement             disloqués par la violence du             bombardement.

            Le 9 janvier, des tirs ont visé directement l'immeuble dans lequel travaillent les media,             coordonnées parfaitement connues de l'armée israélienne, un journaliste blessé.

 

ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c'est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires.

            Ont notamment été détruits :

-         des bâtiments gouvernementaux,

-         les locaux de la compagnie du téléphone Jawal,

-         des commissariats de police,

-         un club de sport,

-         le bureau d'information lié aux Comités de la Résistance Populaire, 

-         l'immeuble du département du contrôle agricole, des centres d'entrainement des services de sécurité,

-         le poste de la police navale,

-         le centre de police Arafat,

-         le centre principal de la sécurité intérieure de al-Saraya,

-         l'immeuble de la télévision al-Aqsa, 

-         plusieurs places du centre ville ou de villages,

-         la prison située en plein centre de Gaza City,

-         les réserves de gaz, ce qui entraîne la fermeture des centrales produisant de l'électricité,

-         des usines.

 iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil.

Sont établis les faits suivants :

-         7 janvier : bombardement de deux écoles gérées par l'UNRWA. Les responsables de cet organisme avaient fourni à l'armée israélienne les coordonnées exactes de ces écoles. Plus de 40 personnes mortes,

-         8 janvier, tirs en direction de convois gérés par l'ONU apportant de l'aide humanitaire (nourriture et matériel médical), deux morts

 iv) Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct attendu.

Sont établis les faits suivants :

-         Des raids de bangs soniques ont eu lieu, causant des traumatismes et une atmosphère de panique parmi les habitants de Gaza ;

-         l'usage de Smart Bombs GBU 39 à l'Uranium appauvri,

-         les attentats ciblés, entre autres celui perpétré jeudi 1° janvier contre un des principaux chefs du Hamas, Nizar Rayan, dans le nord de la bande de Gaza. L'outrecuidance israélienne va jusqu'à prévenir Monsieur Rayyan que l'armée a l'intention de le tuer et pour que cela soit « propre », il lui est conseillé d'éloigner de la maison la vingtaine de personnes présentes. 15 d'entre elles mourront. Ce meurtre « en direct » a été commis avec le soutien juridique du conseiller juridique du gouvernement, Benahem Mazouz.

-         Il y a aussi celui du mardi 30 décembre, lors du bombardement de l'ensemble des ministères du mouvement islamiste, l'armée israélienne a blessé au passage 22 habitants.

-         Ces mesures destinées à semer la terreur parmi la population et visant à appliquer une stratégie systématique de punition collective et de terrorisme. Les responsables israéliens savent pertinemment que ces opérations vont causer des dommages excessifs, la mort de civils et provoquer des blessures à une partie de la population civile tout comme des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui seront manifestement excessifs par rapport aux avantages militaires concrets et directs attendus.

 v) Le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires ;

ix) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu'ils ne soient pas des objectifs militaires.

Ont été détruits

-         Plus d'une dizaine de mosquées,

-         L'Université Islamique de Gaza (IUG), 

-         Certaines écoles qui pourtant jouissent de la protection du droit international humanitaire - protection consacrée par le protocole additionnel, articles 52 et 57 - et qui même en cas de doute, ne peuvent être prises pour cibles militaires (Article 52-3). Les écoles ne peuvent être considérées comme des objectifs militaires car les attaquer ne peut procurer aux combattants israéliens des avantages militaires.

-         Les bureaux de l'association des prisonniers Wa'ed,

-         Les bureaux du Secours islamiste

 xii) Le fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier.

Il est ici fait référence à :

-         Déclaration de Ehud Barak

-         Déclaration de Tzipi Livni

-         Déclaration des porte-paroles de l'armée et du gouvernement

 xxiv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève.

Sont établis :

-         Des tirs de l'armée israélienne sur les secouristes et les ambulances alors qu'ils essayaient de secourir des blessés et d'évacuer les corps, constat fait le 14 janvier

 xxv) Le fait d'affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l'envoi des secours prévus par les Conventions de Genève.

-         Un million et demi de Gazaouis vit sous blocus israélien depuis juin 2007. Les différents appels de certains Etats mais aussi ceux de la société civile sont restés lettre morte. Seule une centaine de camions a reçu l'autorisation de passer depuis le 29 décembre. Les habitants de la Bande de Gaza manquent de tout, alimentation, objets de première nécessité, mais aussi de carburant, de gaz et d'électricité. Les hôpitaux sont dans l'incapacité d'assurer les soins nécessaires aux blessés et aux malades faute de matériel.

 3.2.3. Sur l’urgence, liée à la flagrance du crime

 Il incombe que cette plainte soit déposée au plus tôt.

 L’engagement de cette procédure sera de nature à limiter l’action du gouvernement d’Israël, et la perspective de sauver des vies humaines justifie l’urgence de la démarche.

 Une action urgente facilitera la réunion des preuves, dont la disparition est trop souvent favorisée par la lenteur de la justice internationale.

 3.2.4. Sur l’opportunité

 A la violence doit répondre la Justice. Dans la perspective d’un règlement global, le recours à la Justice sera un message de portée universelle.

 Le but est la recherche de la paix. Cela implique la condamnation de faits d’une gravité telle qu’ils sont une menace pour les relations internationales.

 Il ne saurait être allégué que cette plainte se heurterait à des questions d’opportunité, parce qu’elle marquerait une hostilité vis-à-vis de l’Etat d’Israël. La plainte est dirigée, comme le prévoit le Traité, contre des personnes, et non contre un Etat.

 Surtout, les contrecoups qui peuvent résulter de l’engagement de la procédure ont été analysés avec soin lors de la négociation du Traité, et la situation de fait qui est la matière de la plainte ne présente pas de spécificité à cet égard. Les risques et les avantages ont été pesés, et la rédaction retenue est le fruit du meilleur compromis.

 Le Traité prévoit d’ailleurs que la procédure s’ouvre par une phase préalable, avant l’engagement effectif des poursuites, de telle sorte qu’il n’y a pas à anticiper sur cet examen, qui relève de la Cour et non pas d’une autocensure des plaignants. Le devoir des Etats est de porter plainte (Préambule) dès lors qu’est connue l’existence de crimes de guerre, caractérisés en l’occurrence par la disproportion de l’attaque et les pertes civiles massives qui en résultent.

 Ce devoir est sans réserve, l’examen de l’opportunité relevant de la compétence de la Cour.

 Si, dans des temps futurs, la procédure s’avérait être un frein réel à la signature d’une paix globale, le Conseil de sécurité pourrait, par application de l’article 16, suspendre la procédure. 

 Dans l’immédiat, le devoir des Etats se conjugue à la défense de la paix.

 L’engagement de la procédure sera un signe de première importance pour les populations victimes de ces crimes. Il renforcera l’autorité de la Cour pénale internationale, en montrant que l’action de celle-ci s’étend aux puissances économiques et militaires.

 4. Pièces

 Les pièces vises sont les communications du Centre de presse officiel de l’ONU

  1.  Déclaration du Conseil de sécurité du 28 décembre 2008

2. Déclaration de M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, le 29 décembre 2008 (SG/SM/12025)

3. Conférence de presse de  M. John Holmes, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence du système des Nations Unies et de Mme Karen Koning AbuZayd, Commissaire générale de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), le 31 décembre 2008.

4. Réunion du Conseil de sécurité du 31 décembre 2008 (CS/9560)

5. L'UNESCO préoccupée par les attaques contre des écoles de l'UNRWA à Gaza

6. L'ONU réclame une bouffée d'oxygène pour faire face à la crise humanitaire

7. La Haut commissaire aux droits de l'homme appelle à une enquête

8. Ban dit sa déception à Olmert concernant la poursuite des combats

 *   *   *

 C’est pour l’ensemble de ces motifs que les requérants vous demandent, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir saisir le Conseil de Sécurité de l’ONU et Monsieur le Procureur près la Cour Pénale Internationale de la Haye, par application des articles 8, 12, 13 b et 14 du Traité de Rome du 17 juillet 1998 instaurant la Cour Pénale Internationale de la Haye.

 Et ce sera Justice,

  

A Paris, le

 

 

 

Cette page a été mise à jour le vendredi 16 janvier 2009

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